Par Boris Luneau

Conseils d'expert-comptable BNC #31 : Le matériel indispensable pour débuter comme IDEL

Cet article a vocation à présenter certains points méconnus ou qui font l’objet de questions récurrentes d’infirmières ou IDEL (infirmières diplômées d’Etat libérales)… par le biais de conseils et points de vigilance, pour assurer une meilleure gestion de votre activité libérale, optimiser votre situation fiscale et sociale ainsi que pour réduire vos risques.

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Avant d'acheter, 3 conseils fondamentaux aux IDEL

Avant de démarrer « un inventaire à la Prévert » récapitulant le besoin d’équipement en petit matériel médical, fournitures médicales et investissements à réaliser en fonction du mode d’exercice de l’IDEL (remplaçante, collaboratrice ou titulaire), ceux-ci évoluant en fonction des responsabilités contractuelles de chacune, il convient de rappeler trois éléments fondamentaux en vue d’optimiser fiscalement et socialement sa situation (et de faire ainsi baisser au maximum le coût de revient net de son équipement !).

Conseil n°1 : Connaître son régime fiscal et social

Une IDEL a accès à deux régimes fiscaux et sociaux : le régime micro-BNC (aussi appelé régime déclaratif spécial dans le jargon de l’administration fiscale) ou le régime réel (aussi appelé régime de la déclaration contrôlée, nécessitant le dépôt de la fameuse déclaration portant le numéro « 2035 »). Selon le régime choisi, le calcul du bénéfice de l’infirmière libérale sera différent, et donc le montant d’impôt et de cotisations sociales également (le bénéfice étant la base de calcul de l’impôt et des charges sociales).

En quoi est-ce intéressant pour acheter mon équipement ?

Au régime micro-BNC, l’Etat considère que votre bénéfice est égal à 66% de vos recettes (essentiellement vos honoraires encaissés ou rétrocessions d’honoraires encaissées), autrement dit l’Etat considère que vos charges déductibles sont égales à 34% de vos recettes (peu important que vos charges de l’année soit en réalité d’un montant supérieur ou inférieur à ce montant forfaitaire). Exemple : vous déclarez 50 000 € de chiffre d’affaires, alors vos charges déductibles s’élèveront à 17 000 € et votre résultat à 33 000 € (quand bien même vos charges réellement décaissées s’élèveraient à 1 000 € ou 20 000 €).

Au régime réel, comme son nom l’indique, votre bénéfice est égal à vos recettes après déduction de vos charges réelles (il n’est ici plus question de montant forfaitaire).

Aussi, vous l’aurez compris, si le régime micro-BNC est plus intéressant pour vous, il n’y a aucun intérêt à « faire de la dépense », car celle-ci ne viendra pas diminuer votre bénéfice…contrairement à ce qui se passerait au régime réel.

Exemple :

Vous réalisez une dépense de 1 000 € TTC.

Votre taux de cotisations proportionnelles est d’environ 20% (URSSAF : CSG-CRDDS à 9,70% sur votre résultat ; CARPIMKO : retraite de base à 10,10% sur votre résultat), hormis pour les bénéficiaires de l’exonération de cotisations sociales du dispositif ACRE dont bénéficie toute nouvelle infirmière libérale (remplaçante, collaboratrice ou titulaire) pendant ses 12 premiers d’activité, sous conditions de ne pas dépasser un plafond de revenus (30 852 € pour une exonération à 100% puis dégressif jusqu’à 41 136 € jusqu’au 31/12/22 puis  respectivement 32 994 € et 43 922 € à compter du 01/01/23), auquel cas le taux n’est alors plus que de 9,70% (la CSG-CRDS n’est pas exonérée).

=> Aussi cette dépense faisant baisser votre bénéfice de 1 000 €, alors elle fera également baisser votre montant de cotisations (une économie*) de 200 €, soit à ce stade un coût net de 800 €.

*Les cotisations sociales obligatoires versées vous procurent en contrepartie l’accès à un certain nombre de prestations sociales, or le niveau de certaines prestations dépend du niveau des cotisations versées (ex : indemnités journalières en cas d’arrêt et prestations vieillesse-retraite). Aussi, si l’économie réalisée sur les cotisations obligatoires entraîne une diminution des prestations sociales, alors il faudrait intégrer le coût supplémentaire éventuel des cotisation sociales facultatives (ou d’épargne personnelle) pour maintenir un niveau de prestations sociales égal.

Pour en savoir plus sur le dispositif ACRE : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F11677

Votre taux d’impôt marginal (le taux auquel est imposé votre revenu marginal, c’est-à-dire si vous augmentez ou diminuez votre revenu de x euros, sachant que votre revenu est imposé par tranches) est de 30% pour une célibataire sans enfant et sans autre revenu ou réductions/crédits d’impôts.

=> Aussi cette dépense faisant baisser votre bénéfice de 800€, alors elle fera également baisser votre montant d’impôts (économiser) 240 €, soit finalement un coût net pour vous de 560 € au lieu de 1 000 €.

Pour en savoir plus sur le calcul de l’impôt, notamment le mécanisme des tranches d’imposition et des taux marginaux d’imposition : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34328

Il est donc préférable d’attendre d’être au régime réel, et a fortiori après le délai de 12 mois d’exonération ACRE post-création de votre entreprise (dans l’éventualité où vous ne dépasseriez pas le plafond pour y être éligible) pour réaliser des dépenses, celles-ci vous coûtant moins cher !

Ce conseil s’applique a fortiori lorsque se pose la question de changer de véhicule, qu’il s’agisse d’un achat ou d’un crédit-bail (autrement appelé location avec option d’achat, LOA ou leasing), car les montants à déduire sont significatifs (notamment le premier loyer majorée en LOA). Au passage, si vous avez un projet immobilier, il peut être judicieux de privilégier la LOA plutôt que l’achat afin de ne pas réduire votre capacité d’endettement, cf. notre article dédié : https://octomed.fr/conseils-dexpert-comptable-bnc-8-la-location-loa-ldd/

Comment savoir s’il faut opter pour le régime réel ? C’est simple, il faut simplement comparer le montant total de vos charges déductibles (sans oublier les éventuelles indemnités kilométriques et frais de blanchissage) à 34% de vos recettes et s’assurer de ne pas dépasser 72 600 € de recettes par an (sauf les 2 premières années où il n’y a pas de plafond et sachan7 que le seuil passe à 77 700 € à compter du 01/01/23). Spoiler : le micro-BNC est généralement plus intéressant pour votre premier exercice fiscal (de votre date de création au 31/12 de cette même année) du fait de l’exonération ACRE ensuite, cela dépend de votre statut et de vos niveaux de charges et de recettes, sachant que les remplaçants ont plus de probabilité d’avoir un intérêt pour le régime micro-BNC (en effet la retenue de la titulaire sur les honoraires rétrocédés à une remplaçante n’est pas considérée comme étant une charge tandis que la redevance de collaboration versée par une collaboratrice à sa titulaire est considérée comme une charge).

Conseil n°2 : Connaître la limite de prix investissement vs achat

Lorsque vous effectuez un achat ou investissement, il faut savoir que si le montant dépassé est supérieur à 500 € HT (ou 600 € TTC si la TVA est a 20%), même payé en plusieurs fois avec des échéances inférieures à ce seuil, alors ce bien devra faire l’objet d’une immobilisation et être amorti. Autrement dit, le montant ne sera pas déduit à 100% l’année de l’achat mais de manière étalée sur la durée de vie du matériel (une durée de vie théorique, fixée l’année d’achat, au regard des durées usuelles considérées par l’administration fiscale).

Pour en savoir plus sur ce mécanisme : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4659-PGP.html/identifiant=BOI-BNC-BASE-40-60-30-20120912

Exemple :

L’achat d’un ordinateur de 1 000 € TTC payé en 4 fois sans frais sera amorti sur 3 ans, soit une charge déductible annuelle de 333,33 €.

La bonne nouvelle est que si vous êtes au micro-BNC en N puis passez au régime réel en N+1, alors votre matériel acheté en N pourra quand même faire l’objet d’un amortissement à compter de N+1 (déduction faire de l’amortissement qui aurait théoriquement été imputé sur N si vous aviez été au régime réel au titre de cet exercice, pour les biens affectés par nature à l’activité, ou sur la base de la valeur vénale au 01/01/N, pour les autres biens).

Pour en savoir plus sur ce mécanisme applicable aux biens non affectés par nature à l’activité professionnelle : Conseil d’Etat, décision n°57963, 57964 et 57965 du 08/04/1991

Pour en savoir plus sur ce mécanisme applicable aux biens affectés par nature à l’activité professionnelle : Mémento pratique des professions libérales “Francis Lefebvre” n°2827 et 9073 ainsi que https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4809-PGP.html/identifiant=BOI-BNC-DECLA-10-20-20120912

Conseil n°3 : La portabilité santé et prévoyance

Lorsque vous vous lancez en libéral après avoir été salariée du privé (la règle ne s’appliquant visiblement pas à la fonction publique hospitalière) vous pouvez – sous conditions – bénéficier d’une « portabilité » de vos droits à couverture complémentaire mutuelle santé (frais de santé) et prévoyance (arrêt, invalidité, décès) pendant une durée proportionnelle à votre durée d’activité et dans la limite de 12 mois. Autrement dit, vous continuez de bénéficier des mêmes garanties, sans rien payer ! Il faut cependant bien anticiper la fin de ses droits en optant pour un contrat facultatif Madelin (déductible) ou contrat de votre conjoint, à l’issue de cette période.

Pour en savoir plus sur la portabilité des droits « prévoyance » : https://www.urssaf.fr/portail/home/employeur/calculer-les-cotisations/les-elements-a-prendre-en-compte/la-prevoyance-complementaire/la-portabilite-des-garanties-de.html

Pour en savoir plus sur la portabilité des droits « santé » : https://www.demarches.interieur.gouv.fr/particuliers/peut-on-garder-mutuelle-entreprise-fin-contrat-travail

Infirmière remplaçante : achats à prévoir et astuces à connaître

L’infirmière remplaçante a besoin de peu de matériel pour exercer, celui-ci lui étant majoritairement fourni par des tiers :

Par l’IDEL titulaire :

En général, le petit matériel et les fournitures médicales consommables (le matériel et l’équipement médical à usage unique) sont fournis par la titulaire : alcool, solution hydroalcoolique, sondes, drains, ôtes-agrafes, ciseaux stériles, pinces, seringues, collecteurs de seringues, aiguilles (sauf pour prise de sang, car fournies par le laboratoire médical), sets à pansements, coton…

Également peuvent être fournies des blouses ou autres tenues professionnelles, parfois aux couleurs du cabinet d’infirmiers. A savoir, si vous êtes au régime réel, vous pouvez bénéficier de la possibilité de déduire des frais de blanchissage pour le nettoyage à votre domicile de votre blouse ou tenue professionnelle, sur la base du tarif HT d’un pressing local (exemple : vous changez de blouse chaque jour, vous travaillez 200 jours dans l’année et le prix HT du nettoyage d’une blouse par votre pressing local est de 5 €, alors vous pourrez déduire 1 000 € de votre bénéfice, soit une économie d’impôts e de cotisations sociales de 440 € (cf. exemple plus haut), ce qui rembourse très largement le coût d’achat des blouses, de la machine à laver, du sèche-linge et de la lessive !

Enfin, la facturation étant réalisée par l‘infirmière titulaire (ou une société de facturation tierce), le logiciel de facturation sera à la charge de la titulaire et donc la remplaçante n’aura pas besoin de disposer d’une licence ou d’un abonnement (location). Cependant, les IDEL remplaçantes peuvent désormais disposer d’une carte de professionnel de santé (CPS), leur permettant de sécuriser les factures en tournées (notamment le risque de perte des ordonnances papier) et ainsi de commencer à assimiler la facturation infirmière en étant autonomie. Dans cette hypothèse, il est préférable de privilégier la location à l’achat (au moins jusqu’au passage au régime fiscal et social de la déclaration contrôlée).

Par le patient / la pharmacie / le laboratoire d’analyse médicale :

Les divers médicaments et le petit matériel médical prescrit par le médecin est quant à lui fourni directement par le patient, qui s’approvisionne lui-même auprès de son pharmacien grâce à l’ordonnance de son médecin. Le laboratoire d’analyses médicales fourni quant à lui les aiguilles et tubes pour prise de sang.

Achats par l’IDEL remplaçante :

Il reste donc à s’acheter l’équipement « de base » minimum pour faire face aux différentes situations : mallette, pince à clamper, paire de ciseaux, tensiomètre, saturomètre, stéthoscope…

Ainsi, on s’aperçoit que le budget nécessaire pour s’équiper en vue de ses premières tournées en tant qu’IDEL est plutôt faible.

Infirmière collaboratrice : 2 dépenses indispensables

Au-delà du matériel de base de l’infirmière remplaçante, il va alors être nécessaire d’être autonome pour réaliser sa propre facturation et ainsi s’équiper en ordinateur, imprimante et logiciel (location ou achat, bien souvent auprès de l’éditeur déjà choisi par les confrères et consœurs du cabinet par simplicité) ainsi que de s’inscrire à une formation pour maîtriser la nomenclature générale des actes professionnels (la fameuse NGAP), qui est le prérequis indispensable à une facturation réussie limitant les impayés et indus.

IDEL titulaire : le temps des (gros) investissements est venu !

Symétriquement, la titulaire devra s’équiper en petit matériel et fournitures médicales consommables (cf. plus haut, la liste des équipements mis à disposition de la remplaçante) et pourra également s’équiper en matériel plus coûteux tel que le défibrillateur.

Elle devra également meubler le local professionnel dont elle dispose : petit mobilier, lit médical, chaise, table médical… soit en neuf soit en rachetant le matériel d’occasion (notamment vendu par l’IDEL partante en cas de rachat de droit de présentation de patientèle ou bien par les nouveaux associés en cas de développement de leur cabinet).

Enfin, l’installation entraîne parfois (et à juste titre) la question de l’achat de son local professionnel, qui peut être un investissement très judicieux, notamment compte tenu de la tension immobilière en France, des dispositifs d’exonération des plus-values professionnelles et de l’atout dont dispose un local professionnel (comparativement à un bien destiné à l’habitation) pour une transformation future en vue d’un investissement locatif de type airbnb (problématiques de destination/usage du bien immobilier) ainsi que tout simplement pour réduire sa pression fiscale et sociale.

En savoir plus

Nous vous rappelons que les conseils prodigués par votre expert-comptable s’appliquent aux infirmières libérales (IDEL) conventionnées exerçant en entreprise individuelle, soumis au régime fiscal de la déclaration contrôlée 2035 ou micro-BNC, et au régime social des travailleurs non-salariés (TNS), exerçants en métropole, hors zone territoriale bénéficiant de dispositifs fiscaux et sociaux incitatifs spécifiques. Il s’agit du cas très largement majoritaire dans votre professions.

Il est recommandé de se faire accompagner par votre expert-comptable pour s’assurer que les conseils ci-après s’appliquent bien à votre situation spécifique et éviter d’éventuelles erreurs d’interprétation. Pour en savoir plus sur Boris Luneau, votre expert-comptable OctoMed, ça se passe ici : Page présentation Boris Luneau – Expert-comptable

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